[FR] VISION #61 — Lucia Bell-Epstein

 
 

Pour cet entretien, j’ai retrouvé Lucia dans les locaux de l’agence Belleville où je travaille, à deux pas du parc des Buttes Chaumont. C’était un samedi matin très ensoleillé et on a longuement discuté, libres de nous éterniser dans ces bureaux vides. J’ai été particulièrement frappée par la curiosité insatiable de Lucia, ses inspirations et intérêts multiples, son appétence pour tout ce qui l'entoure. Chacune de ses réponses soulevait dans ma tête une nouvelle question, nous faisant rebondir d’un sujet et d’une idée à l’autre très rapidement. Au point de délaisser assez vite - j’avoue - la liste des questions que je m’étais imprimée. Sans doute aussi parce que c’était la première fois que j'interviewais une artiste de mon âge et que j’étais particulièrement curieuse de comprendre son rapport à ce monde dans lequel notre génération vit, évolue, s’engage, crée… Et que la photographie, cet art du détail qui permet de transmettre un regard personnel, est une matière particulièrement riche quand il s'agit d’interroger et d'interpréter ce monde justement. Même quand elle montre des choses « simples », du quotidien. Des couverts et une assiette qui traînent à la fin d’un repas, des jambes croisées sous une table, le geste d’une première bouchée…

C’est précisément dans cette démarche que s’inscrit le travail de Lucia, photographe autodidacte et passionnée de gastronomie née à New-York, où elle vit toujours. Un travail qu’elle dédie pour le moment principalement à l’univers de la cuisine et de la restauration, son premier métier, mais qui rompt avec les codes classiques de la photographie culinaire ou food photography. Dans les images de Lucia, on est loin de la photo en studio où tout est sous contrôle, la lumière maîtrisée, les aliments et les objets parfaitement présentés, statiques. C'est au cœur du « chaos organisé » d’une cuisine de restaurant que la photographe aime s’immerger. Un chaos qui s’apparente selon elle à un véritable ballet, une chorégraphie collective dont elle a appris à maîtriser - et anticiper - les pas, les codes. Formée en cuisine avant de se mettre à photographier, c’est tout ce qui précède la dégustation et « qu’on ne voit pas » dans l’assiette que Lucia cherche à capturer. L’organisation du temps, la précision des gestes, l’enchaînement des mouvements, les règles d’hygiène, l’imprévu, l’accident… Mais aussi les relations intimes au sein d’une équipe et le rapport au collectif dans ce métier, et plus largement, la place de la nourriture dans nos relations humaines. 

Dans ce podcast, Lucia raconte le bain de culture et d’inspirations qu’a été pour elle le quartier de Bowery à New-York, où elle a grandi entourée de magasins de fournitures pour restaurants en acier inoxydable, et qui a connu un très fort développement à la fois gastronomique et artistique au fil des années. Elle parle aussi de l’influence de ses parents, tous deux artistes (le photographe Mitch Epstein et l’écrivaine et éditrice Susan Bell), qui l’ont sensibilisée très tôt à la création et avec qui elle entretient aujourd’hui une très belle relation d’amitié et de collaboration artistique. Elle raconte son parcours et le besoin de “faire quelque chose de ses mains” après des études universitaires, ses débuts dans la restauration en tant que commis puis cuisinière et l’impact de ce métier sur son approche photographique. Une approche avant tout sensorielle, dans son rapport aux couleurs, aux textures, nourrie par sa passion pour la cuisine, la peinture et les arts plastiques en général. Mais aussi par la culture culinaire américaine et toute l’iconographie publicitaire du fast-food. Et surtout, une approche intime, née de moments partagés avec sa famille, ses ami.es et les personnes avec qui elle travaille, le plus souvent autour de la cuisine.

 
 
Photo : Lucia Bell-Epstein, première image décrite 
 
 

Chaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.

 
 
 
 
 
Photos : Lucia Bell-Epstein, Digging for Clams, 2024
 
 
 
 
 

« Pour moi, la cuisine est comme un ballet. Les personnes qui y travaillent mènent cette danse, elles se déplacent et s’entrecroisent de manière harmonieuse, sans se heurter. »

– Lucia Bell-Epstein

 
 
 
Photo : Mitch Epstein by Lucia Bell-Epstein, Digging for Clams, 2024
 
 

Partenariat :



MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.

 

Crédits :

Un podcast réalisé et écrit par Lily Lajeunesse, produit par Aliocha Boi/Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.

Liens :

Digging for Clams
Instagram

Podcast Vision(s)

 
Précédent
Précédent

VISION #62 — Paul Rousteau

Suivant
Suivant

[EN] VISION #61 — Lucia Bell-Epstein